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BOLOGNA FERROVIA 14 12-93 11-S
Monsieur Gust Vermeylen
81 Rue Pachéco,
Bruxelles.
Belgio.
BRUXELLES 1 [1]6 DECE 1893 9-M
380 120 300 800
40 580
 
Mon très cher Gust,
J'ai eu une journée passablement fatigante aujourd'hui, et émouvante sous plus d'un rapport. Je profite de ma soirée pour me délasser en t'écrivant. J'ai assisté ce matin pour la première fois à une clinique médicale de professeur Murri. C'est un cours que suivent les élèves de 4e, 5e & 6e année, mais grâce à la largeur d'esprit qui règne ici à cet égard on n'empêche nullement les étudiants des autres années d'y venir. L'auditoire qui est très vaste est bondé de monde: il y a certainement 200 personnes. Murri entre suivi de ses cinq assistants en fonction, d'un certain nombre d'assistants honoraires & de professeurs qui viennent assister à ses leçons. Murri a réellement une tête superbe: le front haut qui semble plus haut encore à cause du crâne à demi dégarni, les sourcils bien marqués et bien arqués au dessous desquels brillent des yeux admirables, pénétrants, dont le regard quand il se pose sur vous semble vous fouiller à fond. Et l'on ne saurait dire de quelle couleur ils sont ces yeux: on n'y prend pas garde, on ne s'en aperçoit pas, on ne voit que la pensée qu'ils expriment. Le nez est droit, d'un dessin net et accentué; une petite et fine moustache; la bouche bien faite dont les lèvres découvrent des dents petites et brillantes. Le reste de la figure est rasé. Toute la tenue est très correcte, plutôt élégante même. Quel âge peut avoir cet homme? Il est difficile de le définir. 60 ans peut-être: ses cheveux sont tout à fait blancs. Mais d'autre part le calme de ses traits, le feu du regard, la lucidité de son esprit le feraient croire bien plus jeune. — Le malade est là [2] dans un lit à côté du professeur. Un étudiant lit d'abord la relation de l'historique de la maladie, les antécédents du malade, etc. Murri est là qui écoute la tête dans la main, immobile. La relation finie, il s'approche un peu du lit et débute tout doucement, tout modestement par phrases courtes entre lesquelles il s'arrête et semble réfléchir. Puis peu à peu son geste s'anime, son débit s'accentue, il s'anime par degrés: et l'on éprouve ce plaisir entier d'une impression complète, d'une forme admirable répondant à une pensée qui ne l'est pas moins. C'est un excellent orateur à l'organe agréable et qui parle une langue d'une pureté parfaite. Mais ce qui provoque encore plus l'enthousiasme, c'est la netteté, la rigueur de son analyse. Il ne laisse échapper aucune hypothèse, les discute toutes avec clarté, avec logique, indique ce qui fait repousser l'une, accepter une autre; et point par point il établit ainsi son diagnostic, le corroborant par les données de l'historique du malade, duquel historique il a retenu rien qu'à l'entendre lire des moindres détails. Il y a chez cet homme une puissance de vue synthétique, une précision de raisonnement qui terrifie presque. C'est réellement beau de le voir parler, en appuyant son regard lucide sur son auditoire. — Je t'assure que quand je suis sorti de là j'avais les nerfs brisés, j'éprouvais une fatigue énorme tant j'avais été remué. A quelle clarté de conscience un homme pareil doit-il arriver! Que doit-il être en somme, si cette impeccable analyse il l'a appliquée aussi bien à lui qu'aux autres? A quelle calme hauteur d'âme peut-il avoir atteint? — Si tu viens jamais à Bologne nous irons entendre Murri ensemble: car ses leçons sont belles en dehors de toute question de médecine, rien que comme expression du génie personnel d'un homme.
— En rentrant j'ai trouvé ici une lettre de Sofia, avec laquelle je suis quelque peu en dispute pour le moment! Je t'avouerai qu'au fond je crois que j'ai tout à fait tort dans la dite dispute. J'ai bien peur même de m'étre montré parfaitement infâme. Je te raconterai cela un jour ou l'autre. — Donc autre émotion?
— Après quoi j'ai dû subir deux heures d'anatomie à la file. J'avais presque des vertiges à la fin de la 2e heure, tant j'avais envie de déjeuner. Après le déjeuner j'ai passé environ 3 heures à répondre à Sofia et j'ai été jeter la lettre à la poste; immédiatement après quoi je me suis repenti de l'avoir écrite! — Et voilà! je pense qu'à présent j'ai bien gagné le droit d'aller me coucher. Aussi te dis-je [3] bonsoir, cher vieux frère. Ta présence effective me manque de plus en plus. Tu me remonterais, car j'en ai passablement besoin.
Mercredi 13.
Il a fait aujourd'hui un temps admirable & excellent. C'était un vrai jour printanier. Aussi ai-je laissé là toute occupation absurde, comme cours, université, anatomie, etc & suis-je allé me promener toute la journée quasi. Toute cette clarté vous dilate l'âme: cela fait au physique le même effet que font au moral certaines poésies de Goethe — Je suis monté jusqu'à San Luca: la vue qu'on a de là est décidément l'une des plus belles que j'ai vues de ma vie. Aujourd'hui on voyait positivement les Alpes. — Je suis demeuré près d'une heure là[-]haut. Il y a autour de cette église une paix complète: les voix, les bruits qui montent de la vallée sont transfigurés par la distance, ils deviennent quasi mystérieux, extra-humains. Mais ce qu'il y a d'incomparable, d'indescriptible c'est la lumière qui pénêtre tout le paysage, qui s'introduit dans les vallées, qui baigne les montagnes, toujours de la lumière se nuançant, si différenciant d'elle-même, marquant avec netteté les divers plans et pourtant toujours chaude, toujours ardente. Malgré mon amour pour les paysages du Nord il m'a semblé aujourd'hui que ces pays du midi, ces pays de soleil étaient plus purement, plus immensément beaux.
Jeudi 14.
J'ai reçu ce matin ta lettre, vieux cher frère. Tout ce que tu me dis au sujet de V[an] Nu en Str[aks] m'intéresse beaucoup. J'attends avec impatience le prochain numéro. J'ai ici toute la collection sur ma table & je la contemple souvent.
A propos de cette opinion de Raway "que les arts successifs s'adressent surtout à la foule", je dois t'avouer que je ne comprends pas fort bien. Tout ce que je conçois c'est que dans une foule l'enthousiasme, l'emportement doit être plus grand à l'audition d'une oeuvre d'art, par cette communication épidémique de l'impression qui est un fait souvent constaté. Mais ce n'est là qu'un phénomène physiologique qui n'a en somme rien à faire avec l'Art, ni avec la valeur d'une oeuvre.
— Sais-tu ce que je ferais en ce moment si j'étais de ces types qui savent prendre une résolution subitement et accomplir leurs désirs sans torgiverser? Et bien j'irais ce soir chez Brugnoli, notre administrateur [4] en chef, lui demanderais la permission de prendre une petite vacance, et filerais cette nuit même à 2 heures du matin pour Naples. Voilà, seigneur! Ce serait chic, aller chercher le bon temps dans le midi, passer une ou deux semaines à Naples en faisant les excursions au Vésuve, Pompéï, etc, puis quelques jours à Ischia, à Capri, à Salerne, etc. J'ai parcouru aujourd'hui le Baedeker de l'Italie méridionale... L'eau vous en vient à la bouche. Et c'est une tentation d'autant plus terrible que j'ai 450 frs dans mon tiroir. Mais la "Raison" (sale vieille garce!) fait toutes sortes d'objections: l'anatomie qu'il faut étudier, le laboratoire où il faut aller, le voyage projeté pour la fin de l'année, etc. S[acré Nom] de D[ieu] c'est enrageant. Enrageant surtout de ne pouvoir être totalement insoucieux de toutes ces circonstances extérieures. Je vais être embêté et bon à rien pendant plusieurs jours de ne pouvoir voyager -- Et puis je suis trop nerveux dans le moment, trop agacé, trop morose pour pouvoir voyager seul, & qui veux-tu que je trouve ici? Ah! si tu étais là, vieux zig, on pourrait s'en payer une tranche. La vie est bête! Car vraiment quand on vient ici à Bologne, ce n'est certes pas pour Bologne même, ni pour les études, on resterait à Bruxelles s'il n'y avait pas d'autre attrait: c'est pour pouvoir se ballader à bon compte en Italie et quand on ne peut pas on trouve ça diablement bête. C'est mon opinion intime pour le moment.
Allons je te quitte, vieux cher, je commencerais à me lamenter sans cela et c'est inutile. Bonsoir: j'ai envie de m'en aller "n'importe où hors du monde"
Ton
Giacomo

Register

Naam - persoon

Brugnoli, Giovanni (° Bologna, - ✝ Bologna, 1894)

Arts.

Laureaat geneeskunde op 09/06/1837. Werd aan het Groot Hospitaal van Bologna achtereenvolgens assistent (1839), arts (1846), hoofdarts (1861) en direkteur (1889). Was bovendien aan de Bolonese universiteit achtereenvolgens suppleant (1848), docent (1852), gewoon hoogleraar patologische geneeskunde (1860) en rector (in 1889-90). Was president van de Koninklijke Academie voor Wetenschappen en van het Medisch-Chirurgisch Genootschap, en tenslotte voorzitter van de Raad van Beheer van het Collegio dei Fiamminghi (Jacobsstichting) in 1892.

Dwelshauvers, (Jean) Jacques (° Brussel, 1872-07-09 - ✝ Montmaur-en-Diois (Drôme), 1940-11-14)

Kunsthistoricus en militant anarchist.

Broer van Georges Dwelshauvers en gezel van Clara Köttlitz, met wie hij in 1897 een vrij huwelijk aanging. Deed beloftevolle studies aan het Koninklijk Atheneum Brussel (afd. Latijn-Grieks), waar hij A.Vermeylen leerde kennen. Studeerde 1890-92 natuurwetenschappen aan de ULB (diploma van kandidaat in juli 1892). Met een beurs van de Jacobsstichting vatte hij in oktober 1892 studies in de medicijnen aan te Bologna, samen met de latere geneesheren Herman Köttlitz en Alfred Walravens. Hij verliet Bologna in 1897, zonder de hele cyclus te hebben beëindigd.

In hetzelfde jaar begonnen de eerste strubbelingen met Gust Vermeylen, i.v.m. diens huwelijk met Gaby Brouhon en de strekking en inhoud van Van Nu en Straks. Het jaar daarop maakte hij een nieuwe reis naar Bologna en Bergamo. In het voorjaar van 1899 trok hij met Clara naar Firenze, waar hij zich voortaan geheel aan kunsthistorisch onderzoek wijdde, geboeid door de figuur van Botticelli en de kuituur van het Quattrocento. Hij zou in Firenze ook nog de toelating hebben gevraagd zich voor de eindexamens geneeskunde aan te bieden, maar legde die nooit af. Zijn verblijf in en om Firenze (afwisselend te Calamecca en te Castello), dat tot 1906 duurde, werd regelmatig onderbroken voor reizen naar het thuisland, en naar Parijs.

In 1899 werd te Antwerpen trouwens zijn zoon Lorenzo (Jean-Jacques Erasme Laurent) geboren (op de akte tekende o.m. Emmanuel de Bom als getuige), en het gezin was er officieel ingeschreven aan de Montebellostraat 3 tot 1906. In dat jaar, verhuisden zij naar Colombes bij Parijs (Boulevard Gambetta 46, niet-geregistreerde verblijfplaats). Dwelshauvers, die zich intussen Mesnil noemde (naar twee dorpjes bij Dinant, de geboortestad van zijn vaders familie), onderhield er nauwe contacten met de anarchistische en internationalistische beweging. Hij verdiende de kost met het schrijven van reisgidsen, eerst bij Hachette (o.a. de Guide Joanne - na W.O.I Guide Bleu - over Noord-Italië), nadien bij Baedeker.

Tussen 1910 en 1914 vestigde het gezin Mesnil zich te Alfort bij Parijs, waar - gezien zijn moeilijkheden met de geheime politie - evenmin een officiële inschrijving werd genoteerd. Jacques Mesnil stierf in niet opgehelderde omstandigheden te Montmaur, waar zijn zoon toen zou hebben gewoond; hij leed toen al enkele jaren aan een hart- en nierziekte waarvoor hij o.m. door dokter Schamelhout werd behandeld. Behalve aan Van Nu en Straks werkte hij nog mee aan Mercure de France, La société nouvelle, Ontwaking, Onze kunst, Revista d'Arte, Gazette des beaux arts, Burlington Magazine, de Parijse krant L'Humanité en het Italiaanse Avanti. Een bibliografie kan men terugvinden in de geciteerde bronnen.

Ioteiko, Sofia (° Kiev, 1868 - °)

In 1890 studente natuurwetenschappen aan de ULB.

Dochter van Lucien Ioteiko en Caroline Kurzanska; zuster van de beter bekende Josefa Ioteiko, die doctor in de geneeskunde werd en van 1898 af verbonden was aan het psycho-fysiologisch laboratorium van de ULB. Sofia was afgevaardigde van de afdeling Sociale Wetenschappen en nam als zodanig actief deel aan het universitair conflict bij de opening van het academiejaar 1890-1891.

Raway, Erasmus (° Luik ?/?/, 1850 - ✝ Brussel ?/?/, 1918)

Componist.

Vermeylen, August. (° Brussel, 1872-05-12 - ✝ Ukkel, 1945-01-10)

Hoogleraar, kunsthistoricus en schrijver. Medeoprichter van Van Nu en Straks. Gehuwd met Gabrielle Josephine Pauline Brouhon op 21/09/1897.