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PARPAN 23.IX.92
Hotel & Pension Stätzerhorn, Parpan, K[an]t[on] Graubünden
5000 [Über Meer]
Monsieur Auguste Vermeylen
Rue Pachéco 81
Bruxelles
Belgien
BRUXELLES 1 24 SEPT 1892 9-S
 
HÔTEL & PENSION STÄTZERHORN
B. SCHMID, Propr. PARPAN
Mon cher Gust,
Je profite pour t'écrire d'une matinée où la fatigue m'a cloué sur une chaise. Le sentiment le plus vif que je garderai de ce voyage[1] est, je crois, celui d'un grand éreintement! Ce pauvre Alfred![2] je le plains sincèrement de devoir traîner après lui une carcasse comme moi! Imagine-toi que je suis si bien loti que je ne sais pour ainsi dire plus monter une montagne: à la moindre pente un peu accentuée j'ai des battements de coeur! Je me doutais bien que ma vieille chabraque de corps était en mauvais état, mais à ce point[-]là, je ne l'aurais jamais cru! Enfin, c'est une leçon pour une autre fois: je ne voyagerai plus que seul ou en compagnie d'invalides! Pauvre Alfred, lui qui a des jambes solides & qui marche comme un facteur de la poste, & un facteur pressé, ce qu'il doit en avoir assez de ma compagnie! Lui, il voyage surtout pour marcher & du moment que le paysage est "pittoresque" comme il dit, il est content.
Pour ma part je suis plus exigeant: tu sais que j'ai des antipathies féroces autant pour les paysages que pour les personnes. De sorte qu'à tout moment je rage de devoir trimer indéfiniment à travers un pays embêtant & monotone & je deviens d'une humeur massacrante & j'engueule ce pauvre Alfred qui n'en peut mais.
En résumé voici mes impressions.
[2]
Passer une nuit en train est une chose assommante: on dort mal ou pas du tout & l'on est fourbu le lendemain. — Les douaniers sont gens fort aimables & les mesures sanitaires contre le choléra[3] sont un mythe qui en rejoindra bien d'autres dans les annales du monde civilisé & progressif. — Mardi nous étions à Bâle où nous sommes restés 2-3 heures à attendre le train pour Schaffhouse. En train nous avons sommeillé pour nous venger d'avoir veillé la nuit. La chûte du Rhin, dans son aspect général m'a totalement déplu: elle a absolument des aspects & des tons de photographie en couleur. Le vert brillanté de l'eau a tout à fait des teintes de vernis. Le rocher au milieu de la chûte semble un décor de carton. Ce n'est qu'au pied de la chûte quand on voit les eaux se précipiter sur vous & qu'une sorte de vertige saisit de contempler ce perpétuel écroulement des flots, ce formidable assaut d'écume qu'on éprouve une sensation de grandeur: mais on paye un franc pour aller contempler ce spectacle.
Le soir nous étions à Zurich, ville totalement déplaisante, moderne, haussmanisée[4] — Mercredi matin traversée du Lac en bateau: joli, mais sans caractère, monotone, jouet d'enfant: des maisonnettes blanches & vertes, des vignobles, des églises, des hôtels. Les montagnes anodines. De Rapperswil à Ragatz en train. Le lac de Wallenstadt que l'on côtoye est réellement admirable & d'un caractère bien personnel: entouré de tous côtés de montagnes qui plongent directement, quasi à pré d[an]s les eaux. Il y a là des villages inaccessibles par terre, enfermés d[an]s des cadres de roc: pas de route: il n'y a pas de place pour en mettre. Les eaux surtout sont merveilleuses: d'un bleu moisi comme malade à travers lequel les perrés du fond paraissent d'inconnues gemmes. On passerait volontiers là un mois de repos à traîner en barque sur les eaux du lac. — A Ragatz commence notre voyage à pied à travers la vallée de la Tamina: celle-ci est très belle. Un torrent bondissant sur des rocs, un vol resserré entre deux grandes montagnes boisées. Cela n'a pas l'allure titanesque de la Reuss au St. Gothard mais c'est fort beau aussi. — Mais à Pfaeffers la gorge de la Tamina où l'on va (moyennant 1 franc s'entend) est d'une magnificence ténébreuse indescriptible. Le torrent roule entre deux murs de rocs, [3] ou plutôt dans une énorme fissure de la montagne. Ces deux murs penchés l'un sur l'autre se rejoignent là-haut laissant à peine entrevoir des échappées de ciel bleu, des frondaisons imprégnées de soleil. Pendant 200 mètres on se promène ainsi dans ce sombre couloir, suspendu au roc, sous les rochers surplombants dont l' énorme ossature, les muscles sortants, les efforts & les torsions effrayent.
Jusqu'ici c'est là ce que j'ai vu de plus beau.
Au[-]delà nous avons suivi la Tamina jusqu'à Vaettis où nous avons logé, & hier matin nous avons été de Vaettis au col du Kunkels puis à Tamina, Reichenau & Coire. De Vaettis à Tamina, très belle étape également. La haute Tamina est très sauvage & solitaire. Les sapins y poussent seuls & donnent à la contrée, sous le gris du ciel, un aspect germanique qui révèle qu'on est loin encore des cieux italiens. Du col de Kunkels où la vue s'étend en dessous sur la vallée du Rhin, dans une rapide dépression des montagnes on descend sur Tamina par une très belle gorge la Foppa qui vous a de belles allures de précipice.
A partir de Reichenau, l'ennui commence: la vallée du Rhin est large & monotone, Coire sans intérêt. De Coire ici c'est un vrai paysage de carton peint, avec de petits châlets, de petits torrents chromolithographiques, de petites cascades, une ruine de temps en temps qui a l'air construite exprès pour se détacher sur le fond vert des sapins. Je traîne les pattes horriblement. Les montagnes sont très vaguement saupoudrées de neige. Nous arrivons ici vers 6 heures, faux bus: j'engueule Alfred parce qu'il m'a fait faire ce chemin inutile puisque nous pouvions aller directement à Thusis, raccourcis de 5 lieues! Il me prétend que c'est toi qui lui a conseillé ce chemin, etc. Ici l'hôtel se fermait précisément & nous ne devions d'obtenir le gîte & le couvert qu'à l'intervention charitable d'une brave dame parlant le français laquelle faisait ici une grande cure d'air. Nous causons avec elle — très aimable du reste —: elle est végétarienne & dirige à St. Gall un grand établissement hydrothérapique: elle va nous envoyer une brochure expliquant & recommandant son système, quand n[ou]s serons à Bologne.
[4]
Et elle nous a invité à venir à St. Gall quand nous repasserons par la Suisse: échange de cartes d'invitation, de politesses.
Nous jouons végétariens: je n'ai bouffé que du pain, du lait & des oeufs depuis hier.
Nous avons été logés excellemment: lits très confortables, chambres superbes, etc. Nous sommes ici à plus de 1500 mètres d'altitude & l'air est excellent.
Ce matin j'étais si fatigué que j'ai laissé Alfred faire seul l'ascension du Stätzerhorn, une montagne ici près d'où l'on jouit d'un panorama superbe, paraît-il, mais le temps est terriblement nébuleux & il pleut: je doute fort qu'il puisse voir quoi que ce soit. Cette après-midi nous nous mettons en route pour Thusis[.]
Voilà sommairement nos impressions. Je me sens horriblement paresseux: je crois qu'en Italie je serai encore plus lazzarone[*] que tous les lazzaroni de Naples, que je m'étirerai au soleil & ne bougerai guère. Je contemplerai l'idée pure!
Je ne sais vraiment pas encore si je suis bête d'avoir quitté Bruxelles & d'être loin de mes parents & de toi pour si longtemps: je suis vraiment trop las pour éprouver un sentiment aussi élevé & complexe que la tristesse. Je marche autant que je puis, je mange, bois & dors: je suis remonté comme un automate — Une autre fois, si je n'ai pas plus de force qu'à présent, j'organiserai différemment mes voyages dans les pays de montagne: toutes les grandes routes monotones, tout ce qui peut être vu rapidement je le ferai en voiture ou par tout autre moyen véhiculaire: je verrai tout autant sans me fatiguer de moitié autant: le voyage me coûtera peut-être deux fois plus cher, mais c'est de ça que je me fiche!
— Je ne te dis pas de m'écrire, mon cher ami, parce que je ne sais trop comment ni par où nous allons: tout ça dépend du temps & des circonstances.
La seule date fixe c'est Bellaggio où nous devons être le 1er octobre pour rejoindre Köttlitz & De Raet:[5] tu peux m'écrire là soit poste restante, soit par l'intermédiaire des deux zigs prénommés:[6] je serai enchanté d'avoir de tes nouvelles: tu sais combien tu me fais plaisir [5] en m'écrivant & comme j'ai toujours aimé à recevoir de tes lettres quand j'étais absent de toi.
Que fais-tu? Que se passe-t-il à Bruxelles. Je regarde avec terreur la pluie qui tombe dru ici, les montagnes maintenant complètement cachées par les nuages. Triste temps! Je m'imagine là-bas les arbres de l'Avenue [7] perdant leurs feuilles automnales, les trottoirs humides & en temps de spleen de nos pays avec leur vagues brouillards douloureux comme les octobres prochains. Mais peut-être fait-il très beau là-bas.
N'oublie pas non plus de me donner des nouvelles de ta santé. Es-tu en bonne voie de guérison?[8] Ecris-moi, écris-moi! J'ai si besoin de savoir qu'il y a encore quelqu'un qui pense à moi & qui m'aime malgré mon "impossible caractère." ... Dieu! que cette pluie qui tombe me fait mal à la tête...
Au revoir, mon cher, mon vieil ami. Je ne peux plus te serrer la main qu'en imagination, hélas! Porte-toi bien & vis en joie. Wal[ravens] te fait bien des compliments.
A toi toujours.
Jacques
Nous avons reçu à Coire une lettre de Robert,[9] (ô miracle!) très élégiaque & sentimentale!

Annotations

[1] Dwelshauvers reisde met Alfred Walravens naar Bologna in Italië, waar ze samen met Lodewijk de Raet en Hermann Koettlitz hun universitaire studies zouden voortzetten, dankzij een beurs van de Jacobsstichting. Dwelshauvers liet zich inschrijven in het tweede jaar geneeskunde (zie brief 55 (1891), noot 3 en brief 210 (1891), noot 14). Walravens en Koettlitz schreven zich in voor het derde jaar (zie brief 218). De Raet schreef zich in voor de faculteit toegepaste wetenschappen (zie brief 205bis, noot 7).
[2] Alfred Walravens.
[4] In de trant van de bouwwerken van architect Georges Haussmann.
[*] 'Lazzarone' (It.): nietsdoend, lui.
[5] Zie [1].
[6] Vermeylen zal de brief meegeven aan Lodewijk de Raet. Zie brief 162bis.
[7] Misschien bedoelt Dwelshauvers de Avenue Louise in Brussel.
[9] Robert Legros.

Register

Naam - persoon

Dwelshauvers, (Jean) Jacques (° Brussel, 1872-07-09 - ✝ Montmaur-en-Diois (Drôme), 1940-11-14)

Kunsthistoricus en militant anarchist.

Broer van Georges Dwelshauvers en gezel van Clara Köttlitz, met wie hij in 1897 een vrij huwelijk aanging. Deed beloftevolle studies aan het Koninklijk Atheneum Brussel (afd. Latijn-Grieks), waar hij A.Vermeylen leerde kennen. Studeerde 1890-92 natuurwetenschappen aan de ULB (diploma van kandidaat in juli 1892). Met een beurs van de Jacobsstichting vatte hij in oktober 1892 studies in de medicijnen aan te Bologna, samen met de latere geneesheren Herman Köttlitz en Alfred Walravens. Hij verliet Bologna in 1897, zonder de hele cyclus te hebben beëindigd.

In hetzelfde jaar begonnen de eerste strubbelingen met Gust Vermeylen, i.v.m. diens huwelijk met Gaby Brouhon en de strekking en inhoud van Van Nu en Straks. Het jaar daarop maakte hij een nieuwe reis naar Bologna en Bergamo. In het voorjaar van 1899 trok hij met Clara naar Firenze, waar hij zich voortaan geheel aan kunsthistorisch onderzoek wijdde, geboeid door de figuur van Botticelli en de kuituur van het Quattrocento. Hij zou in Firenze ook nog de toelating hebben gevraagd zich voor de eindexamens geneeskunde aan te bieden, maar legde die nooit af. Zijn verblijf in en om Firenze (afwisselend te Calamecca en te Castello), dat tot 1906 duurde, werd regelmatig onderbroken voor reizen naar het thuisland, en naar Parijs.

In 1899 werd te Antwerpen trouwens zijn zoon Lorenzo (Jean-Jacques Erasme Laurent) geboren (op de akte tekende o.m. Emmanuel de Bom als getuige), en het gezin was er officieel ingeschreven aan de Montebellostraat 3 tot 1906. In dat jaar, verhuisden zij naar Colombes bij Parijs (Boulevard Gambetta 46, niet-geregistreerde verblijfplaats). Dwelshauvers, die zich intussen Mesnil noemde (naar twee dorpjes bij Dinant, de geboortestad van zijn vaders familie), onderhield er nauwe contacten met de anarchistische en internationalistische beweging. Hij verdiende de kost met het schrijven van reisgidsen, eerst bij Hachette (o.a. de Guide Joanne - na W.O.I Guide Bleu - over Noord-Italië), nadien bij Baedeker.

Tussen 1910 en 1914 vestigde het gezin Mesnil zich te Alfort bij Parijs, waar - gezien zijn moeilijkheden met de geheime politie - evenmin een officiële inschrijving werd genoteerd. Jacques Mesnil stierf in niet opgehelderde omstandigheden te Montmaur, waar zijn zoon toen zou hebben gewoond; hij leed toen al enkele jaren aan een hart- en nierziekte waarvoor hij o.m. door dokter Schamelhout werd behandeld. Behalve aan Van Nu en Straks werkte hij nog mee aan Mercure de France, La société nouvelle, Ontwaking, Onze kunst, Revista d'Arte, Gazette des beaux arts, Burlington Magazine, de Parijse krant L'Humanité en het Italiaanse Avanti. Een bibliografie kan men terugvinden in de geciteerde bronnen.

Haussmann, Baron Georges Eugène (° Parijs, 1809 - ✝ Parijs, 1891)

Bankier en politicus.

Koettlitz, Hermann (° Brussel, 1871-11-09 - ✝ Ukkel, 1950-03-27)

Geneesheer-chirurg.

Broer van Clara en Eugène Köttlitz. Studiegenoot van Frits Sano, Jacques Mesnil en A.Vermeylen aan de ULB. Verbleef ook met J.Dwelshauvers en A.Walravens vijf jaar (1892 tot 1896) in Bologna als beursstudent van de Jean Jacobsstichting. Promoveerde in 1908 te Brussel tot 'docteur spécial en sciences medico-chirurgicales'.

Legros, René Robert (° Barvaux, 1872-11-05 - ✝ Barvaux, 1933-07-29)

Geneesheer.

Liep school op het Athénée Royal van Luik en, van de vierde Latijnse tot de retorica, op het Brusselse Atheneum, waar hij bevriend raakte met o.m. A.Vermeylen, J.Dwelshauvers en L.de Raet. Studeerde nadien geneeskunde aan de UEL (1890-1897). Publiceerde verzen in de Almanach des étudiants. Almanach de l'Université libre de Bruxelles (1891).

Raet, Lodewijk De (° Brussel, 1870-02-17 - ✝ Vorst (Brussel), 1914-11-24)

Economist.

Studiegenoot van A.Vermeylen en J.Dwelshauvers op het Brussels Atheneum en aan de ULB, medestudent van J.Dwelshauvers, A.Walravens en H.Köttlitz in het Collegio dei Fiammenghi in Bologna (J.Jacobsstichting) in 1892-1893.

Vermeylen, August. (° Brussel, 1872-05-12 - ✝ Ukkel, 1945-01-10)

Hoogleraar, kunsthistoricus en schrijver. Medeoprichter van Van Nu en Straks. Gehuwd met Gabrielle Josephine Pauline Brouhon op 21/09/1897.

Walravens, Alfred (° Tubize, 1872-11-15 - °)

Geneesheer.

Leerling aan het Brusselse atheneum met o.a. Vermeylen, De Raet, Dwelshauvers en Legros. Studiegenoot van J.Dwelshauvers, H.Koetlitz en A.Vermeylen aan de ULB. Verbleef van 1892 tot 1896 in Bologna met een Jacobsbeurs.

Naam - instituut/vereniging

Beurs in 1650 gesticht door de naar Bologna (Italië) uitgeweken edelsmid Jean Jacobs (Brussel tussen 1574 en 1575 - Bologna 13/11/1650) en testamentair uit zijn nalatenschap van de nodige fondsen voorzien. Stelde studenten in de rechten, geneeskunde, wetenschappen en letteren en wijsbegeerte in staat in het Jacobscollege hun studies aan de universiteit van Bologna gedurende vijf jaar verder te zetten. De kandidaten moesten afkomstig zijn uit Brussel, Antwerpen of tenminste uit een gemeente in het Hertogdom Brabant. Vandaar de Italiaanse benaming 'Collegio dei Fiamminghi'. Het was een onafhankelijke instelling met een eigen gebouw (Via Guerrazzi 20), een besturende raad van drie commissarissen (een vertegenwoordiger van de Rechtsfaculteit, één van de Medische Faculteit, en een Bolognese notabele) en een inwonende rector (een Bolognese priester).

De kandidaten, tussen 16 en 18 jaar oud, werden geselecteerd door het Brusselse gilde van edelsmeden. In de 19de eeuw waren de oorspronkelijke reglementen in zoverre veranderd dat de Stad Brussel studenten uitzocht die houder waren van een kandidaatsdiploma: de limiet van 18 jaar werd dus niet meer in acht genomen, het volstond dat de beurshouders hun studies op hun 25ste konden voltooien. Dit laatste is wellicht de reden waarom Jacques Dwelshauvers na het academiejaar 1896-'97 zijn medische studies te Bologna afbrak en te Florence een aanvraag deed om daar zijn laatste examens in de geneeskunde te mogen afleggen. Het gebouw in de Via Guerrazzi werd in 1944 gedeeltelijk verwoest door een bombardement en na de oorlog heropgebouwd. Tot in de jaren vijftig zijn er beurzen toegekend, nadien werd het gebouw wederrechtelijk in bezit genomen door de universiteit van Bologna die er een deel van de Rechtsfaculteit in onderbracht. Deze situatie vormt al jaren een hangende betwisting tussen de Belgische en de Italiaanse staat waar geen schot in komt.