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Cher Mane,
Je profite de cette soirée où grâce à un mal de tête j'ai pu m'isoler et rester seul ici pour t'écrire ces quelques pages. Je songe avec regret à ma maison, à ma chambre d'étude où je pouvais travailler si paisiblement, le cerveau si libre, si dispos, et je me repens de n'en avoir pas profité alors. Ici, malgré toutes mes bonnes résolutions pas moyen de travailler à une oeuvre d'une manière suivie! D'abord le régime, la nourriture (comme on est esclave de la "vile matière"!) le vin surtout, très alcoolisé encore à moitié en fermentation excite d'une façon étonnante. Et dire, que la "faculté"[1] à Bruxelles me l'avait quasi défendu, et que j'en bois plus d'un litre par jour. De là résultent — c'est vulgaire, mais il faut s'y soumettre — de lentes et pénibles digestions pendant lesquelles on n'est bon qu'à s'étendre et à somnoler. De plus dans cette vie en commun l'on ne peut se retrancher intégralement. Puis il vient des amis, l'on va au théâtre, on boit, on rentre tard, on n'est plus disposé à travailler et le lendemain on se lève à dix heures. Certes on voit beaucoup de choses, on apprend des coutumes nouvelles, on fait des "études de moeurs": mais sur cent observations que l'on recueille, bien souvent il n'y en a pas une qui soit d'un intérêt bien marqué. Tu te rappelles bien que mes premières impressions n'ont pas été très enthousiastes.[2] Les ultérieures ne le sont guère davantage. De plus en plus j'en viens à aimer les êtres d'exception, à mesure que je vois de ces pantins humains qui surabondent ici. Quoi qu'en dise la science on ne me fera point gober que ces êtres[-]là sont mes semblables! Des jours j'en arrive à être terriblement misanthrope, à cause même de ce perpétuel et obligatoire contact avec la "bête humaine."
[2]
Avant[-]hier est arrivé ici soudain, comme un traître sortant du troisième dessous dans un mélodrame, un de nos prédécesseurs, le docteur De Vriese, établi actuellement à Bruxelles: c'est un type qui a fait ici les quatre cents coups, s'est énormément amusé, a baisé un tas de jolies bolonaises — Il vient ici passer une dizaine de jours —, Il a beaucoup de chic, de l'entrain, de la blague comme un français, du "savoir faire": un de ces êtres dont le vulgum pecus dit: c'est un homme intelligent, il a beaucoup de facilités! Tu me comprendras aisément quand je te dirais que les gens de cette trempe m'agacent: ils sont portés à juger péremptoirement de tout parce que grâce à leur mémoire ils ont un arsenal de citations qui éblouissent et qu'ils placent à tort et à travers. On est surpris au premier moment, mais pour peu que l'on connaisse bien la question dont ils parlent on devine immédiatement sous le faux brillant des mots le vide des idées, le manque de profondeur.
C'est aussi un homme à femmes, un de ces fanfarons du vice qui n'aiment rien tant que de vous raconter leurs aventures et de vous exhiber les lettres des femmes qui ont la naïveté de les aimer.
Autant que j'ai pu le percevoir jusqu'ici la corruption est profonde à Bologne et l'amour y est facile — du moment qu'on veut en faire son unique occupation. Et certes, charnellement parlant les femmes sont énormément désirables ici: on en voit d'admirables: elles dominent dans les ménages et les maris à côté d'elles ont un rôle effacé. Elles bavardent beaucoup à tort et à travers, mais leur seule pensée dominante est d'être baisées: rien de ces complications d'âme, rien de ces ragoûts étranges de vices, rien de ces bizarreries qui attirent ces damnés hurluberlus d'écrivains. Au fond je crois que je n'irai guère "dans le monde": ça ne vaut pas le temps qu'on y perd ni l'argent qu'on y dépense et je songes bien plutôt à me rendre à Florence[3] à la Noël, à Rome et Naples au Carnaval, à Venise à Pâques. Voilà bien des projets de voyage, qu'en dis-tu? Mais je ne saurais guère différer plus longtemps — étant ici — d'aller voir ces villes où sont entamées tant de merveilleuses oeuvres d'art. Je vais tâcher d'étudier un peu d'avance ce que je verrai là-bas: car l'histoire de l'Art me semble une des choses les plus [3] passionnantes qui soient. — J'irai aussi voir un jour ou l'autre Ravenne qui est très proche de Bologne & où l'on peut étudier à fond l'Art byzantin.
J'ai reçu de Gust une lettre datée de Rotterdam[4] où il me transmettait à la hâte ses transports d'enthousiasme pour tout ce qu'il voyait en Hollande. Il me disait avoir passé quelques heures à Anvers également. Je suppose que toutes les difficultés qui entravaient votre revue[5] sont aplanies et que sous peu le premier numéro fera sensation dans le monde littéraire.
Ce que j'ai lu jusqu'ici en fait de littérature italienne ne m'a guère enthousiasmé: leurs journaux littéraires comme la Gazetta letteraria et la Vita moderna sont bien pitoyables: on trouve là-dedans des petites nouvelles naïves, d'une insignifiance à faire pleurer, et des études mi-littéraires mi-sociales dont on a lu chaque phrase un peu partout.
Lundi 21. Matin
J'ai interrompu hier ma lettre pour relire un passage des "Diaboliques" de Barbey d'Aurevilly[6] et quand j'ai le malheur de reprendre ce livre-là je ne le lâche plus: c'est décidément admirable et chaque fois j'en suis plus enthousiaste: il y a en même temps tant de finesse d'expression en tant de profondeur que à chaque lecture on y fait de nouvelles découvertes[.] C'est un de mes livres de chevet actuellement. Je lis aussi toute une série de Balzac: c'est un bonhomme colossale qui mérite plus qu'une simple lecture .... mais on n'a le temps de rien dans ce monde-ci, tant on en perd à des niaiseries futiles et innommables. J'ai fait aussi le projet — et j'ai commencé à le réaliser — d'apprendre l'Anglais. Mais les leçons que me donne De Raet sont sans cesse interrompues: de sorte que cela va "piano" et que je ne suis pas encore près de déchiffrer Shelley, Rossetti, Swinburne, etc.
— Depuis deux semaines le ciel est ici d'un gris hermétique et les arbres ont pris ces chères teintes d'automne qui sont autrement intéressantes que les verts bêtasses du printemps. Ces teintes sont merveilleuses ici, d'un chaud coloris, avec des jaunes citrins, des rouges cerise, des bruns fauves: mais l'angloissante impression de tristesse, la sensation [4] d'agonie si poignante chez nous manque totalement ici. Cela est beau pour l'oeil, cela caresse agréablement la rétine, mais cela n'émeut pas l'âme. Et moi que l'idée intéresse plus que les "formes passagères du perpétuel devenir" que les couleurs, que les surfaces, que les apparences, j'ai regretté les douloureux octobres de chez nous où chaque année j'avais si horriblement le spleen! Certes tu comprendras toi ce sentiment qui me ferait traiter de lunatique par les gens qui ont le "sens commun."
Aujourd'hui le ciel a repris ses teintes italiennes, et le bleu intense que je t'ai décrit jadis: mais il fait froid et j'ai les doigts gelés.
— Sur ce je te quitte, mon cher Mane, pour que ma lettre puisse prendre le premier train. J'attends sans retard de tes nouvelles: ce que tu fais, ce que tu penses et comment va votre "enfant": votre revue.
Je te serre cordialement les deux mains
Bien à toi,
Giacomo

Annotations

[1] Faculteit geneeskunde.
[4] Vermeylen was op dat ogenblik in Nederland. Zie brief 205, noot 4.
[5] Van Nu en Straks.
[6] Jules Barbey d'Aurevilly, Les Diaboliques (Paris, E. Dentu, 1891). Zie ook brief 71, noot 3.

Register

Naam - persoon

Barbey D'aurevilly, Jules-amedée (° Saint-Sauveur-le Vicomte, 1808 - ✝ Parijs, 1889)

Schrijver en criticus.

Bom, Emmanuel Karel De (° Antwerpen, 1868-11-09 - ✝ Kalmthout, 1953-04-14)

Bibliothecaris, journalist en schrijver. Medeoprichter van Van Nu en Straks. Gehuwd met Nora Aulit op 24/08/1901 in Antwerpen.

Devriese, Alfred Edmond (° Halle (Brussel), 1864-05-22 - ✝ ? na,)

Oogarts.

Deed Atheneumstudies te Brussel. In 1882-85 met onderscheiding kandidaat wetenschappen, in 1884-86 kandidaat medicijnen (aan de ULB). Na een eerste doctoraat aan de ULB in 1886-1887, studeerde hij medicijnen verder in Bologna van 1886 tot 1889 (einddiploma). Specialiseerde zich mogelijk daarna nog als oogarts. Werd ambtshalve geschrapt te St.-Joost-ten-Node op 26/10/1901, met onbekende bestemming verdwenen.

Dwelshauvers, (Jean) Jacques (° Brussel, 1872-07-09 - ✝ Montmaur-en-Diois (Drôme), 1940-11-14)

Kunsthistoricus en militant anarchist.

Broer van Georges Dwelshauvers en gezel van Clara Köttlitz, met wie hij in 1897 een vrij huwelijk aanging. Deed beloftevolle studies aan het Koninklijk Atheneum Brussel (afd. Latijn-Grieks), waar hij A.Vermeylen leerde kennen. Studeerde 1890-92 natuurwetenschappen aan de ULB (diploma van kandidaat in juli 1892). Met een beurs van de Jacobsstichting vatte hij in oktober 1892 studies in de medicijnen aan te Bologna, samen met de latere geneesheren Herman Köttlitz en Alfred Walravens. Hij verliet Bologna in 1897, zonder de hele cyclus te hebben beëindigd.

In hetzelfde jaar begonnen de eerste strubbelingen met Gust Vermeylen, i.v.m. diens huwelijk met Gaby Brouhon en de strekking en inhoud van Van Nu en Straks. Het jaar daarop maakte hij een nieuwe reis naar Bologna en Bergamo. In het voorjaar van 1899 trok hij met Clara naar Firenze, waar hij zich voortaan geheel aan kunsthistorisch onderzoek wijdde, geboeid door de figuur van Botticelli en de kuituur van het Quattrocento. Hij zou in Firenze ook nog de toelating hebben gevraagd zich voor de eindexamens geneeskunde aan te bieden, maar legde die nooit af. Zijn verblijf in en om Firenze (afwisselend te Calamecca en te Castello), dat tot 1906 duurde, werd regelmatig onderbroken voor reizen naar het thuisland, en naar Parijs.

In 1899 werd te Antwerpen trouwens zijn zoon Lorenzo (Jean-Jacques Erasme Laurent) geboren (op de akte tekende o.m. Emmanuel de Bom als getuige), en het gezin was er officieel ingeschreven aan de Montebellostraat 3 tot 1906. In dat jaar, verhuisden zij naar Colombes bij Parijs (Boulevard Gambetta 46, niet-geregistreerde verblijfplaats). Dwelshauvers, die zich intussen Mesnil noemde (naar twee dorpjes bij Dinant, de geboortestad van zijn vaders familie), onderhield er nauwe contacten met de anarchistische en internationalistische beweging. Hij verdiende de kost met het schrijven van reisgidsen, eerst bij Hachette (o.a. de Guide Joanne - na W.O.I Guide Bleu - over Noord-Italië), nadien bij Baedeker.

Tussen 1910 en 1914 vestigde het gezin Mesnil zich te Alfort bij Parijs, waar - gezien zijn moeilijkheden met de geheime politie - evenmin een officiële inschrijving werd genoteerd. Jacques Mesnil stierf in niet opgehelderde omstandigheden te Montmaur, waar zijn zoon toen zou hebben gewoond; hij leed toen al enkele jaren aan een hart- en nierziekte waarvoor hij o.m. door dokter Schamelhout werd behandeld. Behalve aan Van Nu en Straks werkte hij nog mee aan Mercure de France, La société nouvelle, Ontwaking, Onze kunst, Revista d'Arte, Gazette des beaux arts, Burlington Magazine, de Parijse krant L'Humanité en het Italiaanse Avanti. Een bibliografie kan men terugvinden in de geciteerde bronnen.

Raet, Lodewijk De (° Brussel, 1870-02-17 - ✝ Vorst (Brussel), 1914-11-24)

Economist.

Studiegenoot van A.Vermeylen en J.Dwelshauvers op het Brussels Atheneum en aan de ULB, medestudent van J.Dwelshauvers, A.Walravens en H.Köttlitz in het Collegio dei Fiammenghi in Bologna (J.Jacobsstichting) in 1892-1893.

Rossetti, Dante Gabriel (° Londen, 1828 - ✝ Birchington (Kent), 1882)

Dichter en schilder.

Vermeylen, August. (° Brussel, 1872-05-12 - ✝ Ukkel, 1945-01-10)

Hoogleraar, kunsthistoricus en schrijver. Medeoprichter van Van Nu en Straks. Gehuwd met Gabrielle Josephine Pauline Brouhon op 21/09/1897.

Titel - krant/tijdschrift

Gazzetta Letteraria, La (° 1876 - ✝ 1902)

Tijdschrift in 1876 door Vittorio Bersezio opgericht (in opvolging van de Gazzetta piemontese uit 1867) en vanaf 1880 door hem geleid. De Gazzetta piemontese werd later weer als afzonderlijk blad opgericht en voortgezet met La Stampa in 1895 (krant die al een eerste keer in 1861 startte).

Vita Moderna

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Voorlopig niet teruggevonden.