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BOLOGNA FERROVIA 8 12-93 5-S
BOLOGNA FERROVIA 8 12-93 6-S
Monsieur Gust Vermeylen
81 Rue Pachéco,
Bruxelles.
Belgio
BRUXELLES 1 10 DECE 1893 10-M
Enn.
M
Mal.
 
Cher Gust,
Je profite d'un jour de congé — fête de la Madone de Bologne — pour répondre à ta lettre que j'ai reçue hier matin & à laquelle je n'ai pu répondre aussitôt. Les nouvelles que tu me donnes de ta santé générale ne sont pas fameuses: décidément tes fatigues & tes battements de coeur se reproduisent par trop souvent: tu devrais aller consulter un médecin. Ce n'est pas que j'y croie beaucoup aux médecins en général, mais il en est parmi eux des gens qui sont personnellement très forts, & Stiénon par exemple en est à ce que je crois. Si tu étais ici je t'expédierais chez Murri lequel est un clinicien colossal oui, Môssieu! mais comme tu n'y es pas, zut!
Tu auras sans doute appris chez moi que décidément De Raet ne serait pas remplacé cette année-ci: il est déjà trop tard & le collège doit faire des économies. Hélas! il a un étrange système d'économies, qui consiste à nous mal nourrir & à nous servir de la viande pas fraîche. — Le seul résultat est que nous leur faisons dépenser chez le pharmacien ce qu'ils ne dépensent pas chez le boucher! Ce qui vient de la flûte, etc
— Je réponds à la partie de ta lettre qui concerne les "amours de littérateurs". Je ne crois point du tout à un mal transitaire, mais à un mal éternel. L'Art ne peut certainement pas être séparé de la vie: mais est-ce une raison pour qu'il ressemble à la vie? Le moindre évènement de la vie d'un artiste peut se réverbérant en lui se projeter à l'infini [2] et être le sujet d'une oeuvre qui ressemblera autant à ce petit évènement que le nombre 2971263 ressemble au nombre 3 dont il est pourtant un multiple. — Un exemple m'en est encore récemment venu sous les yeux: j'ai lu la Vita Nuova de Dante (tu vois qu'il ne s'agit ni de Baudelairianisme, ni de dandysme, ni d'aucune chose en isme). Tu te rappelles sans doute que j'ai plus d'une fois énoncé le projet de soutenir ce paradoxe, qui me semble de plus en plus une profonde vérité: à savoir que la Béatrice[1] n'était peut-être qu'une très vulgaire petite pensionnaire qui nous apparaissait paradisiaque simplement parce que Dante l'avait aimée: et en effet dans la Vita Nuova qui a cet amour pour sujet rien ne contredit ma supposition. Il n'y a jamais en scène que Dante qui fait des "sonetti" et des "canzoni" en l'honneur de sa "gentilissima" ou "bellissima" "Bice". Elle, nous ne la voyons jamais paraître effectivement, jamais parler. Qu'elle soit très belle, pourquoi en douter? Toute femme est très belle aux yeux de celui qui l'aime. — La seule fois qu'elle agisse c'est dans ces circonstances-ci: Dante, pour cacher son amour pour Beatrix feint de faire la cour à une autre: Beatrix l'apprend, prend au sérieux la cour qu'il fait à l'autre femme et ne dit plus bonjour à Dante quand elle le rencontre: ce n'est pas précisément sublime ni paradisiaque comme sentiment. — Mais le plus beau trait de la Vita Nuova est celui-ci: après la mort de Beatrice, une des amies de celle-ci se met à plaindre Dante en le voyant si désolé; & Dante est si content de cette compassion que peu à peu il devient amoureux de la trop compatissante jeune femme. — Je crois que tout ceci est assez décisif sur la question amour d'artiste et peut se passer de commentaires. — Je me bornerai à relever encore un point de ton raisonnement: car se serait trop long d'attaquer tes dilemmes qui n'en sont pas, car ils laissent certainement place chacun à 2 ou 3 alternatives supplémentaires. Tu parles de littérateur "doué de cet esprit de cet esprit d'analyse qui le divise en deux personnalités, l'une qui agit et l'autre qui regarde agir" et qui analyse ainsi ses sentiments. Je voudrais bien savoir s'il est au monde un seul être qui puisse analyser ses sentiments, analyser, j'entends sérieusement, à fond, dans ses parties élémentaires. Il faudrait que cet être[-]là ait non seulement la mémoire de tous ses actes, mais aussi celle des actes de ses ancêtres. Ce qui est le malheur du littérateur actuel & sa caractéristique, c'est l'acuité de sa perception interne, de son apperception: il peut très bien avoir conscience de sa bêtise, du sens anharmonique de ses paroles, etc. Mais quant à [3] l'analyse réelle de ses sentiments, non, trente-six mille fois non, il l'a moins que tout autre, car cette analyse demande un calme d'esprit et une puissance de déduction qui lui manque plus qu'à tout autre.
Mettons un point à la ligne & passons à d'autres exercices.
Je n'ai rien de bien intéressant à te conter. La vie ici est plus que tranquille, elle est monotone. Je fais beaucoup d'anatomie: cela ne m'enchante pas, je n'ai décidément pas la vocation; ce qui ne m'empêche pas de me convaincre tous les jours davantage que parmi les études que l'on entreprend pour "se faire une position" celles de médecine sont les seules où l'on apprenne quoique ce soit qui vaille. Il y a moyen de s'y intéresser réellement.
Je suppose que dans une semaine les vacances commenceront, si ce n'est plus tôt. Mais ce n'est malheureusement plus cette année que je pourrai me payer un voyage en Toscane!
— J'ai reçu avant hier une lettre — charmante — de Mane. Il m'a l'air décidément bien rétabli moralement. — A quand le prochain numéro de V[an] Nu en Straks?
Je t'ai écrit lundi une carte[2] en t'envoyant le manuscrit recommandé du chap[itre] 2 & 3 de la V[ie impossible] J'espère que tu auras reçu le tout intact & j'attends que tu m'écrives dans ta prochaine lettre ce que tu en penses.
Voilà je crois, cher vieux, le peu de chose intéressante que je puis m'extraire de la boule. Tu excuseras le vide de cette lettre. Fraternelle poignée de mains
Ton Giacomo
En fait de lectures intéressantes je fais celle de la Vie de St[-]François d'Assise (en Italien) un écrit du 13º s[iècle] je crois, & celle de "die Elixiere des Teufels" de Hoffmann qui m'enchante. Nous en reparlerons.
Il commence à faire joliment froid ici: le ciel se couvre & nous pourrions bien avoir de la neige sous peu.

Annotations

[1] Zie ook de tweede alinea van brief 308.

Register

Naam - persoon

Bom, Emmanuel Karel De (° Antwerpen, 1868-11-09 - ✝ Kalmthout, 1953-04-14)

Bibliothecaris, journalist en schrijver. Medeoprichter van Van Nu en Straks. Gehuwd met Nora Aulit op 24/08/1901 in Antwerpen.

Dwelshauvers, (Jean) Jacques (° Brussel, 1872-07-09 - ✝ Montmaur-en-Diois (Drôme), 1940-11-14)

Kunsthistoricus en militant anarchist.

Broer van Georges Dwelshauvers en gezel van Clara Köttlitz, met wie hij in 1897 een vrij huwelijk aanging. Deed beloftevolle studies aan het Koninklijk Atheneum Brussel (afd. Latijn-Grieks), waar hij A.Vermeylen leerde kennen. Studeerde 1890-92 natuurwetenschappen aan de ULB (diploma van kandidaat in juli 1892). Met een beurs van de Jacobsstichting vatte hij in oktober 1892 studies in de medicijnen aan te Bologna, samen met de latere geneesheren Herman Köttlitz en Alfred Walravens. Hij verliet Bologna in 1897, zonder de hele cyclus te hebben beëindigd.

In hetzelfde jaar begonnen de eerste strubbelingen met Gust Vermeylen, i.v.m. diens huwelijk met Gaby Brouhon en de strekking en inhoud van Van Nu en Straks. Het jaar daarop maakte hij een nieuwe reis naar Bologna en Bergamo. In het voorjaar van 1899 trok hij met Clara naar Firenze, waar hij zich voortaan geheel aan kunsthistorisch onderzoek wijdde, geboeid door de figuur van Botticelli en de kuituur van het Quattrocento. Hij zou in Firenze ook nog de toelating hebben gevraagd zich voor de eindexamens geneeskunde aan te bieden, maar legde die nooit af. Zijn verblijf in en om Firenze (afwisselend te Calamecca en te Castello), dat tot 1906 duurde, werd regelmatig onderbroken voor reizen naar het thuisland, en naar Parijs.

In 1899 werd te Antwerpen trouwens zijn zoon Lorenzo (Jean-Jacques Erasme Laurent) geboren (op de akte tekende o.m. Emmanuel de Bom als getuige), en het gezin was er officieel ingeschreven aan de Montebellostraat 3 tot 1906. In dat jaar, verhuisden zij naar Colombes bij Parijs (Boulevard Gambetta 46, niet-geregistreerde verblijfplaats). Dwelshauvers, die zich intussen Mesnil noemde (naar twee dorpjes bij Dinant, de geboortestad van zijn vaders familie), onderhield er nauwe contacten met de anarchistische en internationalistische beweging. Hij verdiende de kost met het schrijven van reisgidsen, eerst bij Hachette (o.a. de Guide Joanne - na W.O.I Guide Bleu - over Noord-Italië), nadien bij Baedeker.

Tussen 1910 en 1914 vestigde het gezin Mesnil zich te Alfort bij Parijs, waar - gezien zijn moeilijkheden met de geheime politie - evenmin een officiële inschrijving werd genoteerd. Jacques Mesnil stierf in niet opgehelderde omstandigheden te Montmaur, waar zijn zoon toen zou hebben gewoond; hij leed toen al enkele jaren aan een hart- en nierziekte waarvoor hij o.m. door dokter Schamelhout werd behandeld. Behalve aan Van Nu en Straks werkte hij nog mee aan Mercure de France, La société nouvelle, Ontwaking, Onze kunst, Revista d'Arte, Gazette des beaux arts, Burlington Magazine, de Parijse krant L'Humanité en het Italiaanse Avanti. Een bibliografie kan men terugvinden in de geciteerde bronnen.

Raet, Lodewijk De (° Brussel, 1870-02-17 - ✝ Vorst (Brussel), 1914-11-24)

Economist.

Studiegenoot van A.Vermeylen en J.Dwelshauvers op het Brussels Atheneum en aan de ULB, medestudent van J.Dwelshauvers, A.Walravens en H.Köttlitz in het Collegio dei Fiammenghi in Bologna (J.Jacobsstichting) in 1892-1893.

Vermeylen, August. (° Brussel, 1872-05-12 - ✝ Ukkel, 1945-01-10)

Hoogleraar, kunsthistoricus en schrijver. Medeoprichter van Van Nu en Straks. Gehuwd met Gabrielle Josephine Pauline Brouhon op 21/09/1897.