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Mon cher Gust,
Je suis "hors du siècle" — comme Giraud![1] Il me semble que j'ai voyagé à travers quelques siècles, que j'ai quitté une époque ennuyeuse, bruyante, pleine de bourgeois prétentieux, une époque d'instincts bas, antiartistique & vile, où l'on passe des examens & où l'on s'agite beaucoup dans des buts ineptes, & que je suis arrivé en un temps paisible, de piété recueillie, où l'on rêve longuement penché sur des eaux mortes au long de rues désertes.
C'est assez te dire que Malines m'enchante.[2] Hier j'ai réellement "découvert" cette ville que je connaissais pourtant déjà, — c'est-à-dire je m'y étais promené il y a 6 ou 7 ans, un jour ou deux, en passant. Mais les impressions qu'on ressent des choses à douze ou treize ans alors que les yeux regardent sans que l'esprit voit sont si différentes des impressions qu'on en a à vingt ans, lorsqu'on méprise ce que les gens d'aujourd'hui appellent des monuments! Et en somme la vérité, malgré le sens que les gens "positifs" & de "bon sens" attachent à ce mot, c'est que je vois Malines pour la première fois.
Hier toute la journée, & ce matin encore j'ai erré au hasard des rues, j'ai erré le nez en l'air, découvrant à chaque pas des coins qui m'enchantaient, des façades, des portes, des ruelles bizarres, tout un monde de choses dolentes & oubliées[.]
Les sensations d'art éprouvées ont été si multiples, si nombreuses que je n'ose encore songer à les ordonner, à tenter ce nécessaire travail de classification qui fait qu'on se souvient. Aussi c'est au hasard, comme ils me viendront que je vais te transcrire quelques détails de mes promenades rétrospectives.
[2]
Hier après-midi l'atmosphère était moite, alourdie, un ciel nuageux, bas, immobile: un calme bien en harmonie avec le caractère même de la ville. Je me promenais sous les ggrands arbres d'un vert terne qui ombragent le Boulevard des Soeurs noires; à droite un bras de la Dyle, une eau quasi immobile, on dirait le fossé d'anciens remparts: je dépassais un couple de petites vieilles gens, la femme parlant très haut pour se faire entendre de l'homme, sourd sans doute: elle disait d'une voix sans inflexions: "C'est étonnant, le ciel au mois de juillet, sans le moindre rayon de soleil: on croirait que c'est la fin du monde".
La Dyle se ramifie dans tout Malines: on la retrouve en bras étroits, vides à certaines heures — la marée basse — à d'autres emplissant les arches surbaissées des ponts: une eau qui coule à peine, une eau glauque de toutes les plantes qui s'y reflètent. Par endroits, rue de la Mélane, par exemple, les murs des vieilles maisons, des chapelles, des jardins que baigne la rivière ont poussé une vivace végétation qui se suspend en touffes épaisses à d'incertains plâtras à des terreaux, à des poussières jetées là par le vent. Collées par la pluie: dans le sommeil de la rue ces bouquets de fleurs jaunes & blanches semblent seules vivantes. A de rares intervalles, le long des maisons aux fenêtres closes se glissent de vieilles femmes enselevies dans un énorme manteau noir, le lourd capuchon tombant généralement sur le dos; cette vieille défroque usée, grisâtre aux contours leur donne un aspect de pauvreté supportée éternellement & qui jamais finira; & leur visage terreux, leur peau parcheminée, leurs yeux vides démentent cette illusion de vie que donnent leurs pas sonnant sur les dalles. Elles passent, elles s'en vont là-bas, très loin, décruées & toutes branlantes, si justement en harmonie avec le décor que sans elles la rue semblerait incomplète.
Des ponts de pierre donnent allée aux maisons. Certains creusés en voûte par-dessous forment un tunnel où l'eau s' éteint, très sombre; puis des jardins dont les arbres s'agitent vaguement.
Le bras principal de la Dyle est bordé par endroits de quais bien curieux. Les maisons sont toutes anciennes, pignon sur [3] rue, le premier étage surplombant souvent le rez[-]de[-]chaussée bas, la porte petite laisse apercevoir des salles d'estaminet vides presque toujours. Les portes sont de bois sculpté, les façades offrent de bizarres images parfois polychromées — entre autres j'ai remarqué un Adam & Eve représentés avec une naïveté cocasse, ainsi que l'inévitable pommier d'un beau vert épinard. Au coin des rues, suspendues, des saintes vierges tenant l'enfant Jésus, souvent entourées de petites têtes d'anges.
L'impression de solitude, de vieille vie simplette est plus saisissante encore du côté du béguinage, un dédale de rues étroites & tortueuses aux noms religieux si évocateurs de dévotions — la rue des huit béatitudes —; des maisonnettes tristes aux portes si surbaissées qu'il semble qu'on ne puisse y entrer que courbé; sur chacune d'elles un nom est peint: S. Beggia, Het Lammeken, de drie heylige koningen, enz[.] On croirait le quartier inhabité: pas un rideau ne s'écarte à votre passage, pas un judas ne s'entrouve, rien. A l'église du Béguinage, sous le surplis blanc, immobiles, sans un mouvement de tête, les religieuses prient & l'on entre sans qu'un visage se détourne, sans qu'un geste trahisse une distraction même passagère d'une des fidèles.
Je pourrais noter encore mille sensations éprouvées, mais à quoi bon? Les mots sont si froids & si durs pour rendre certain ordre d'émotions.
Du moment qu'on évite avec soin les nouveaux quartiers peu étendus, heureusement l'impression d'art n'est interrompue par rien. Pas de tramways, pas de femmes en toilettes, pas de marchands de photographies, rien de l'ordinaire banalité des cités modernes, rien de leur côté "fille". Les cafés-concerts eux-mêmes — car il y en a — choquent à peine: ils ont l'air vieillots, paisibles & même, oui! même vertueux & sacerdotaux.
Une seule chose m'a un peu gâté mon enthousiasme: le Carillon de St-Rombaud dont le répertoire se compose de la marche des commis voyageurs, & du choeur d'Ali-Baba! "nous sommes quarante
quarante voleurs!"
Quant à Neckerspoel, c'est une sorte de village, très campagne, plein de jardins potagers, de pommes de terre & de choux[.]
[4]
De ma chambre je vois le "boulevard des Soeurs noires" dont je te parlais tantôt & derrière la tour de St.[-]Rombaud, celle de St.[-]Jean, & diverses autres églises.
Devant la maison passe le train qui "fait du tintamarre" toute la journée & même toute la nuit, ce qui est moins gai! Je mène ici une vie reposante, me couchant à 9 heures du soir & faisant à peu près le tour du cadran au lit! Je mange, je bois, & j'erre dans Malines, ce qui me semble un régime très raisonnable. Inutile de te dire que je n'ai nullement travaillé à la "Vie impossible"[3] n' étant point du tout au diapason. Je suis au contraire en train de souhaiter d'avoir une âme simple, primitive, catholique, je crois même que je voudrais être flamand!
Et maintenant, vieux zig, pour être parfaitement content il ne me manque que de t'avoir pour partager mes enthousiasmes qui pourraient s'user sans cela.
Ne viendrais-tu pas me trouver un de ces jours dans ma ... Thébaïde à une occasion ou l'autre, ou même sans occasion.[4] Ce serait une bonne préface à faire à notre futur voyage dans les bonnes villes de Flandre?[5] Ecris-moi à ce sujet, hein? [6]
— J'espère qu'au moins voilà une longue lettre: je souhaite que tu aies autant de plaisir à la lire que j'en ai eu à te l'écrire. N'oublie pas que ceci n'est qu'une minime partie de mes impressions & que j'en ai bien d'autres à te faire partager.
Vale, Carissime.
Jacques

Annotations

[1] Albert Giraud, Hors du siècle (Paris, L. Vanier, 1888).
[2] Dwelshauvers logeerde bij zijn oom Alfred Marie Eugène Dwelshauvers, legerofficier, en zijn tante Eugénie Julie Justine Altmeyer, die van 30 januari 1885 tot 26 januari 1895 in Nekkerspoel (Mechelen) woonden, op het adres Nieuwendijk 18.
[3] La vie impossible. Zie brief 11, noot 3.
[4] Vermeylen wou Dwelshauvers op maandag 1 augustus in Nekkerspoel gaan bezoeken. Zie brief 124, noot1bis. Wegens het plotse vertrek van Dwelshauvers ging het bezoek niet door. Zie brief 125bis, noot 1.
[5] Dwelshauvers bedoelt zijn reis met Vermeylen tussen 26 augustus en 4 september 1892. Zie brief 134, noot 7; brief 138, noot 1; en brief 139, noot 2.
[6] Niet teruggevonden. Het grootste deel van de brieven aan Jacques Dwelshauvers werd door zijn zoon Lorenzo Mesnil vernietigd. Prof. Pierre Vermeylen heeft in de jaren 1940 via Marie Mulle (ex-echtgenote van George Dwelshauvers) naar de brieven van zijn vader gevraagd. Lorenzo Mesnil schreef in het antwoord aan zijn tante:
"Au sujet de la correspondance de mon père, je te dirai que j'ai trouvé un nombre considérable de lettres de tous ses amis qu'il avait conservées durant toute son existence, j'ai procédé à un tri sérieux et en ai détruit la plus grande partie estimant que tout ce qui appartenait à sa vie personnelle ne regardait que lui et devait disparaître avec lui.
J'ai regardé toutefois quelques lettres qui avaient un caractère historique et concernaient de façon plus particulière l'époque contemporaine, situant gens et choses de façon vivante. C'est dans cet ordre d'idées que j'ai conservé quelques lettres de Vermeylen qui décrivait de façon pittoresque certaines villes où il avait vécu comme étudiant. Quant à ses conceptions et idées de jeunesse, sachant par mon père qu'elles ne correspondaient en aucune façon à la suite de son existence, j'ai pensé qu'il n'y avait pas lieu de les conserver." Geciteerd uit: Lorenzo Mesnil aan Marie Mulle, 6 augustus 1945, AMVC, M/525/B3, reg. nr. 110176/2.

Register

Name - person

Altmeyer, Eugénie Julie Justine (° Elsene, 1838-06-07 - ✝ Vorst (Brussel), 1928-07-07)

Huisvrouw.

Echtgenote van Alfred Marie Eugène Dwelshauvers (zie aldaar), en oudste dochter van Jean Jacques Altmeyer.

Beving, Julie Justine (° Wadren (Pruisen; thans Polen), 1807-03-20 - ✝ Elsene, 1895-03-13)

Huisvrouw.

Echtgenote van Jean Jacques Altmeyer, en grootmoeder langs moederszijde van Jean-Jacques en Georges Dwelshauvers.

Dwelshauvers, (alfred Marie) Eugène (° Dinant, 1846-09-13 - ✝ Elsene, 1905-04-25)

Legerofficier (artilleriekapitein).

Oom van Jean Jacques en Georges Dwelshauvers, echtgenoot van Eugénie Julie Justine Altmeyer. Verbleef (komende van Elsene) in Mechelen van 30/01/1885 tot 10/10/1887, dan in Brasschaat (militair kamp) tot 23/04/1888, vervolgens in Antwerpen tot 20/06/1892, daarna weer in Mechelen tot 25/01/1895, waarop hij zich terug in Antwerpen vestigde (tot 1902, vertrek naar Elsene). Had geen kinderen.

Dwelshauvers, Georges (° Brussel, 1866-09-06 - ✝ Parijs ?/?/, 1937)

Filosoof.

Broer van Jacques Dwelshauvers. Studeerde aan de ULB. Verbleef lange tijd in Duitsland waar hij leerling was van W. Wundt (deed o.m. filosofie aan de universiteit van Heidelberg van april 1891 tot het eind van het zomersemester). Werd in 1892 te Brussel speciaal doctor in de wijsbegeerte met zijn thesis Les principes de l'idéalisme scientifique, nadat een eerste proefschrift Psychologie de l'apperception et recherches expérimentales sur l'attention. Essai de psychologie physiologique. gebaseerd op zijn onderzoekingen in het laboratorium voor experimentele psychologie van W. Wundt, op principiële gronden was geweigerd. Was achtereenvolgens hoogleraar aan de ULB (1893-1918), aan de Catalaanse Universiteit te Barcelona (1918-?) en aan het Institut Catholique te Parijs (vanaf 1925). Publiceerde studies over J. Lagneau, H. Bergson en F. Nietzsche. Interesseerde zich ook voor het toneel wat zich uitte in studies over H. Ibsen, een vertaling van Goethes Iphigenies (1903) en een bewerking van Lessings Nathan der Weise (opgevoerd in het Théâtre du Parc te Brussel, 1904); schreef zelf ook een drama Ino (1913), geïnspireerd op Oedipus koning van Sophocles.

Dwelshauvers, (Jean) Jacques (° Brussel, 1872-07-09 - ✝ Montmaur-en-Diois (Drôme), 1940-11-14)

Kunsthistoricus en militant anarchist.

Broer van Georges Dwelshauvers en gezel van Clara Köttlitz, met wie hij in 1897 een vrij huwelijk aanging. Deed beloftevolle studies aan het Koninklijk Atheneum Brussel (afd. Latijn-Grieks), waar hij A.Vermeylen leerde kennen. Studeerde 1890-92 natuurwetenschappen aan de ULB (diploma van kandidaat in juli 1892). Met een beurs van de Jacobsstichting vatte hij in oktober 1892 studies in de medicijnen aan te Bologna, samen met de latere geneesheren Herman Köttlitz en Alfred Walravens. Hij verliet Bologna in 1897, zonder de hele cyclus te hebben beëindigd.

In hetzelfde jaar begonnen de eerste strubbelingen met Gust Vermeylen, i.v.m. diens huwelijk met Gaby Brouhon en de strekking en inhoud van Van Nu en Straks. Het jaar daarop maakte hij een nieuwe reis naar Bologna en Bergamo. In het voorjaar van 1899 trok hij met Clara naar Firenze, waar hij zich voortaan geheel aan kunsthistorisch onderzoek wijdde, geboeid door de figuur van Botticelli en de kuituur van het Quattrocento. Hij zou in Firenze ook nog de toelating hebben gevraagd zich voor de eindexamens geneeskunde aan te bieden, maar legde die nooit af. Zijn verblijf in en om Firenze (afwisselend te Calamecca en te Castello), dat tot 1906 duurde, werd regelmatig onderbroken voor reizen naar het thuisland, en naar Parijs.

In 1899 werd te Antwerpen trouwens zijn zoon Lorenzo (Jean-Jacques Erasme Laurent) geboren (op de akte tekende o.m. Emmanuel de Bom als getuige), en het gezin was er officieel ingeschreven aan de Montebellostraat 3 tot 1906. In dat jaar, verhuisden zij naar Colombes bij Parijs (Boulevard Gambetta 46, niet-geregistreerde verblijfplaats). Dwelshauvers, die zich intussen Mesnil noemde (naar twee dorpjes bij Dinant, de geboortestad van zijn vaders familie), onderhield er nauwe contacten met de anarchistische en internationalistische beweging. Hij verdiende de kost met het schrijven van reisgidsen, eerst bij Hachette (o.a. de Guide Joanne - na W.O.I Guide Bleu - over Noord-Italië), nadien bij Baedeker.

Tussen 1910 en 1914 vestigde het gezin Mesnil zich te Alfort bij Parijs, waar - gezien zijn moeilijkheden met de geheime politie - evenmin een officiële inschrijving werd genoteerd. Jacques Mesnil stierf in niet opgehelderde omstandigheden te Montmaur, waar zijn zoon toen zou hebben gewoond; hij leed toen al enkele jaren aan een hart- en nierziekte waarvoor hij o.m. door dokter Schamelhout werd behandeld. Behalve aan Van Nu en Straks werkte hij nog mee aan Mercure de France, La société nouvelle, Ontwaking, Onze kunst, Revista d'Arte, Gazette des beaux arts, Burlington Magazine, de Parijse krant L'Humanité en het Italiaanse Avanti. Een bibliografie kan men terugvinden in de geciteerde bronnen.

Kayenbergh, Marie-emile-albert (° Leuven, 1860-06-23 - ✝ Schaarbeek, 1929-12-26)

Eigenlijk: Kayenbergh, Marie-Emile-Albert

Schrijver.

Vermeylen, August. (° Brussel, 1872-05-12 - ✝ Ukkel, 1945-01-10)

Hoogleraar, kunsthistoricus en schrijver. Medeoprichter van Van Nu en Straks. Gehuwd met Gabrielle Josephine Pauline Brouhon op 21/09/1897.